Football (Ligue 1, 36e journée) : Nantes / Bordeaux (3-0) : SOS Fantômes...et 15 jours de plus à tuer


08 mai 2021

[Par Christophe Monzie, à Nantes - Photos C.M.]

Plus dramatique est leur (re)chute, copie conforme de leur naufrage lorientais. Les Girondins, qui pouvaient dès ce samedi assurer leur avenir sportif en Ligue 1 et gagner ainsi beaucoup de temps, n'ont pas existé à la Beaujoire, y subissant leur plus lourd revers depuis plus de 15 ans. Nantes, qui n'avait pas encore gagné à la maison depuis l'arrivée de Kombouaré ni même depuis 15 matches Coupe incluse (mais Nîmes était sur les mêmes standards avant de recevoir les Girondins le 21 février, on connaît la suite...), et jamais remporté 3 matches d'affilée depuis septembre 2019 ni inscrit 3 buts chez lui depuis le 18 octobre 2020 contre Brest (3-1), a poursuivi sur son excellente dynamique et se positionne plus que jamais comme candidat au maintien direct, avec un programme à priori favorable. Déconcertants et d'une fragilité à peine concevable pour des sportifs de haut niveau, les Girondins vont trembler jusqu'au bout, après cette 13e défaite en 16 matches. Mais comment imaginer que, privés de Kalu peut-être jusqu'à la fin de la saison et incapables d'aligner plus de 3 passes ce samedi, ils puissent arracher les 3 points nécessaires à leur maintien face aux adversaires qui les attendent, à priori plus forts que les Canaris ?  Heureusement que les Féminines, elles, montrent l'exemple à suivre, avec une victoire à Montpellier (1-0) en D1F et une qualification pour la Champions League. Car pour les garçons, les deux semaines qui arrivent vont être les plus étouffantes que le club ait connues depuis une éternité. 

"Il suffisait de presque rien"...Pour un peu, on était prêt à pasticher la chanson de Reggiani. Il aurait suffi d'un peu de solidarité et de "casta" pour s'opposer à un adversaire qui n'avait tout de même pas, soyons honnêtes, la puissance de feu du Bayern de Munich...Sauf qu'au final, il aura en vérité manqué tellement de choses. Encore une fois. On espérait des gladiateurs prêts à livrer le match de leur saison quitte à se mettre minables, parce que le jeu en valait la chandelle, du moins le pensait-on. On aura vu des fantômes, ou des petits garçons venus en pension au Camping de la Plage... En fait de "casta", cette vertu chère à Jean-Louis Gasset, on n'aura assisté qu'à une énième "castatrophe". Car au-delà du score, lourd mais logique, de ce derby de l'Atlantique qui n'aura jamais offert le suspense attendu, c'est la manière avec laquelle les Girondins ont lamentablement "remis le couvert", après leurs dernières sorties indignes de la L1 à St Etienne et Lorient, qui inquiète au plus haut point. A croire que cette équipe ne retient rien de ses erreurs, qu'elles soient collectives ou individuelles, qu'elle manque d'amour-propre et que même un succès qu'on espérait fédérateur car acquis à la force du poignet une semaine plus tôt ne suffit pas à la remettre sur les rails d'un minimum de confiance. De deux choses l'une : soit elle est d'une désinvolture rare et certains de ses joueurs en fin de contrat, qui ne seront plus là dans un mois, n'ont d'autre but aujourd'hui que de ne pas se blesser afin de rebondir ailleurs au plus vite, ce qu'on se refuse à croire ; soit sa détresse est profonde et sincère, et dans ce cas, elle est plus à plaindre qu'à blâmer. Mais comment a-t-on pu en arriver à cette déliquescence, avec des joueurs dont l'expérience du plus haut niveau est pourtant avérée ? Comment ce groupe qu'on croyait plus dur au mal peut-il régulièrement plier comme une feuille de papier au moindre pépin venu et s'accoutumer de son triste sort sans qu'il n'y ait jamais personne à bord pour éviter le naufrage ? Certes, à Nantes, Gasset était privé en dernière minute de Kalu, autrement dit de trois de ses joueurs-clés, un par ligne (en comptant Koscielny et Otavio). Certes, il n'a une fois de plus pas pu reconduire le même onze d'une semaine à l'autre, ce qu'il n'a d'ailleurs jamais pu faire cette saison. Mais dans un match où l'envie et l'esprit de corps pouvaient suffire pour rafler la mise, on ne peut plus s'appuyer sur ce genre d'excuses.

Nantes, port de l'angoisse

L'éclaircie n'aura donc pas duré bien longtemps dans le ciel lourdement chargé des Marine et Blanc. Après avoir explosé tous les "records" de médiocrité sur la seule phase Retour et relancé tous leurs adversaires directs dans cette lutte pour le maintien aussi devenue la leur au coeur du mois de mars (Nîmes, Brest, Lorient, Strasbourg, et donc Nantes ce samedi) dont certains peuvent déjà les remercier (on pense notamment à St Etienne et Reims, désormais tirés d'affaire), ils ne sont pas parvenus à s'épargner deux semaines supplémentaires d'angoisse, voire plus si affinités... Toujours devant Nantes (2 points), et Lorient (1 point) battu heureusement à Lyon ce samedi (4-1) après avoir résisté aux Gones une mi-temps, ils gardent cependant encore la main sur leur destin, ce qui tient déjà du miracle. Mais pour combien de temps ? Même Nîmes, triomphant à Metz ce dimanche (3-0), peut désormais mathématiquement les coiffer sur le fil, les cancres du jour, outre les Girondins, se nommant Brest (qui a mené deux fois mais perdu à Nice, pourtant réduit à 10) et surtout Strasbourg, battu chez lui par Montpellier (2-3) et par un Laborde encore une fois irrésistible (2 buts). Sur ce que l'on a vu à la Beaujoire en ce samedi ensoleillé mais venteux, rien ne permet de penser - surtout si Kalu manque à l'appel jusqu'à la fin du championnat - qu'ils seront en mesure de s'opposer à la réaction d'orgueil des Lensois dimanche prochain, après le derby du Nord perdu par les Sang et Or, plombés par l'arbitrage, mais toujours dans la course à l'Europa League, et qu'on imagine après la grosse occasion gâchée par l'OM à St Etienne. Sous le regard de ses glorieux anciens venus le matin même participer à l'inauguration de la statue d'Henri Michel, le FC Nantes n'aura eu besoin que de 5 occasions pour marquer trois fois sur ses 3 tirs cadrés, alors qu'il ne disposait avant ce match que de la 15e attaque de Ligue 1, juste devant...Bordeaux et ses 37 misérables unités, soit presque autant de buts marqués que de matches disputés et de points récoltés. Le RC Lens, lui, a scoré 55 fois et avait dominé le match aller en septembre de la tête et des épaules, malgré un succès étriqué (2-1)...

Un ballon qui brûle les pieds

Bordeaux n'a donné le change que pendant un gros quart d'heure, le premier. Dès les premières secondes, comme à Lorient, le ballon a paru brûler les chaussures de la bande à Costil. Ils ont quand même réussi à entretenir l'illusion par quelques timides incursions dans le camp des Jaunes, sans jamais s'approcher à plus de 30 mètres du but du capitaine Alban Lafon. Après que Mexer, en glissant dans le rond central sous la pression de l'adversaire, eut donné à Kolo Muani la première offrande de la rencontre avant que Benito, revenu en catastrophe, ne stoppe la chevauchée solitaire de l'attaquant nantais (7e), la deuxième banderille des Jaunes fut la bonne quand Ludovic Blas, encore une fois excellent, délivra un centre tendu de la droite coupé de la tête par Coulibaly qui prenait Costil au dépourvu, au milieu d'une défense centrale aux abonnés absents et d'un Mexer mal placé (1-0, 19e). Peu après, l'intenable Moses Simon centrait fort devant le but, Sabaly puis Costil laissaient passer ce ballon que Kolo Muani, seul au second poteau, trouvait le moyen de mettre à côté, d'une tête plongeante peu appropriée quand le plat du pied semblait s'imposer (25e). Et Bordeaux dans tout cela ? Des difficultés manifestes à ressortir le ballon vite et bien, avec toujours des touchers de balle superflus, des circuits compliqués et trop latéraux qui offraient aux Nantais le loisir d'exercer un haut pressing. Il était rare que les Girondins alignent plus de trois passes sans que le ballon ne parte en touche ou dans les pieds de l'adversaire. Un manque de verticalité et de rythme patent, et une terrible impression de déjà vu qui ne laissait rien augurer de bon, d'autant que l'ouverture du score nantaise laissait en théorie peu de chances aux Girondins de renverser la vapeur, puisqu'ils ne l'ont jamais fait cette saison. Pourtant, à la mi-temps, comme à St Etienne ou à Brest, ils étaient encore en vie, et avaient même hérité de deux occasions intéressantes, quand sur un centre au cordeau d'Adli, venu de la droite, Hwang avait coupé la trajectoire avant de buter sur Lafont et Girotto réunis (37e), ou quand Sabaly, surpris de l'aubaine, s'était retrouvé en position d'avant-centre sur un joli raffûtage de Hwang côté gauche face à Corchia. Mais sa reprise en pivot, en complet déséquilibre et un peu précipitée, n'avait même pas trouvé le cadre (45e + 1).  

Encore un penalty fatal

Hélas, la reprise, comme souvent cette année, allait s'avérer catastrophique, et le suspense ne pas faire long feu. Mr Millot, qui avait fermé les yeux sur une intervention limite de Mexer sur Blas en première période dans la surface (41e), n'hésitait cette fois-ci pas une seconde quand Benito, enrhumé comme à l'entraînement par Kolo Muani côté droit, bousculait l'international espoirs nantais. Louza transformait sans trembler d'un contrepied parfait le penalty, 19e but de la saison encaissé par Bordeaux sur coup de pied arrêté (2-0, 50e), qui comme à St Etienne, sonnait le glas de ses timides espérances. Dès lors, le match perdait de son intensité, Nantes réalisant la passe à dix face à des bordelais inoffensifs, où Adli, Basic et surtout Zerkane furent pour ainsi dire invisibles, Kwateng encore une fois très à la peine face au feu follet Simon, comme le jeune Mara, privé de ballons offensifs propres. Le turn-over de Jean-Louis Gasset ne changea pas grand chose à l'affaire, avec les entrées de De Préville, Oudin, Traoré et de Paul Baysse à la place de Mexer. Pire, sur une nouveau contre appuyé des Canaris, Simon amusait Kwateng puis Traoré sur le côté gauche, avant de centrer en retrait sur Kolo-Muani, démarqué à 8 mètres depuis 5 secondes sans un seul défenseur à la ronde, dont la volée du droit sans élan fusillait Costil, livré à lui-même (3-0, 70e). Il restait encore 20 longues minutes dans le chemin de croix des Girondins, à deux doigts de céder une 4e fois quand Dennis Appiah, servi en retrait par Coco, s'avançait sans être attaqué avant d'expédier une fusée du droit en plein milieu de la transversale (87e). Il était grand temps d'arrêter le carnage et l'avalanche de cartons qui s'abattait sur eux et qui vaudra à Mexer et Benito d'être suspendus pour la dernière à Reims, comme si les Girondins avaient en plus besoin de cela...M.Millot avait le bon goût de ne pas prolonger indéfiniment le supplice, en décomptant un minimum de temps additionnel. Les Girondins enregistraient sans sourciller une 19e défaite (autant que Nîmes) qui les met de nouveau au pied du mur, au cours d'une saison qui fera tristement date, dont l'avenir sportif semble désormais aussi incertain que...l'autre. Il leur restera une toute dernière chance ce dimanche 16 mai de rester maîtres de leur destin et de faire juste leur travail en battant Lens, et rien de plus... Dans le cas contraire d'une 9e défaite à domicile, il est permis de supposer que les Marine et Blanc seront dépassés au classement par Nantes et sans doute aussi par Lorient (la seule inconnue restant Strasbourg, dont la "dynamique" semble similaire à la leur actuellement), avant leur ultime sortie à Reims, arène de tous leurs supplices depuis 60 ans, qui prendra alors des allures de pèlerinage à Lourdes ou de roulette russe.

  

Henri Michel 20210508_120547.jpg (2.93 MB)

Ecoutez les réactions d'après-match au micro de Christophe Monzie qui commentait cette rencontre en direct intégral du stade de la Beaujoire à Nantes aux côtés de David Phelippeau puis Gilles Rampillon, ancien milieu de terrain international du FC Nantes.

Réaction de Jean-Louis GASSET, l'entraîneur du FC Girondins de Bordeaux. D'autres réactions à écouter dans les prochaines heures.

  

Réaction d'Antoine KOMBOUARE, l'entraîneur du FC Nantes.

  

Réaction de de l'attaquant Randal KOLO-MUANI, auteur du 3e but.