
27 mai 2023
Personne n'avait osé en parler ouvertement, mais le pire des scenarii a frappé les Girondins en Haute Savoie dans un stade survolté tout acquis à la cause des locaux. Comme à Nîmes, Niort ou au Havre, comme face à Guingamp au Matmut, ils ont été cueillis à froid par une erreur défensive (en l'occurrence une passe improbable de Fransergio, hors du coup sur ce match comme trop de ses coéquipiers, interceptée par Shamal qui s'est promené toute la première période, pour un caviar à bout portant repris par Pajot, 9e), erreur mise à profit par des locaux qui leur ont ensuite imposé un fort défi physique, sous l'oeil trop permissif de M.Kherradji. Et comme face à ces adversaires qui avaient su user des mêmes armes et d'un engagement toujours à la limite que les Girondins n'affectionnent guère, ils n'ont jamais réussi à remonter leur handicap. A ce sujet, on reste encore effaré que M.Kherradji ait fermé les yeux si longtemps en première période et que le premier des cartons de la soirée l'ait été pour...un mouvement d'humeur de l'unique buteur, Vincent Pajot (33e) quand au moins une demi-douzaine d'actions bien plus dangereuses auraient mérité la même sanction, de part et d'autre, bien avant cet excès de zèle, et qu'ensuite, le référé les ait distribués comme des petits pains en fin de match, pas toujours avec discernement (on pense notamment à ceux infligés à Badji ou à Demoncy). Son laxisme avait de quoi allumer la mèche, témoin le retour aux vestiaires assez orageux à la mi-temps, dans un stade en fusion, mais les acteurs eurent heureusement le bon goût de ne pas perdre leurs nerfs dans une période aussi cruciale de la saison pour eux. Ce ne fut pas grâce à lui.
Une mi-temps dans le noir
Au Parc des Sports, Bordeaux a confondu vitesse et précipitation. L'expression est éculée, on vous l'accorde, mais elle résume bien ce qui aura miné les Girondins cette saison dès qu'un grain de sable a enrayé la machine. Le scenario de leurs courtes défaites (il n'y eut que 2 accidents, à Niort chez la lanterne rouge et à Metz à dix contre onze une mi-temps), presque toujours le même, s'est répété trop de fois pour que l'on n'y voie pas un mal récurrent, propre à l'ADN de ce jeune groupe, qui, faute d'expérience, ne sait pas être patient quand il est mené au score, c'est peu de l'écrire. Trois heures de plus n'y auraient rien changé. On espérait des morts de faim au pied des Alpes, prêts à livrer le match de l'année pour garder la main sur Metz et s'offrir la finale et la fête populaire annoncées (sans doute un peu trop tôt, et en oubliant un détail important, celui de la réalité sportive - il restait 6 points à distribuer et une chance sur 6 que Bordeaux fasse plus mal que Metz et/ou le Havre sur cet avant-dernier tour, c'est hélas ce qui est arrivé - pour priviléger l'aspect économique, ce qui peut aussi se concevoir) le 2 juin prochain au Matmut. Une fête qui pourrait se draper de nuages noirs qu'on s'interdisait de voir, et pour le moins d'une lourde épée de Damoclès qu'on n'avait pas forcément prévue au programme...Mais en guise de morts de faim, on a surtout vu une équipe dominée dans l'entrejeu, prise à la gorge d'entrée de match par le haut pressing des Savoyards, ratant des relances faciles dans son camp, dont la seconde (après un avertissement sans frais 2 minutes auparavant quand Gregersen contra Shamal in extremis, 7e) alla à Dame, l'immobilisme de Fransergio, fautif sur cette action, ayant de quoi laisser pantois...La suite ne fut pas meilleure, avec très peu de duels offensifs gagnés balle au pied ou dans les airs, une paire Maja-Badji totalement invisible et cadenassée par le tandem Mouanga-Mendy, et un premier acte qui, hormis une reprise de la tête non cadrée de Davitashvili sur un centre de la droite de Bakwa (17e) ne fut pas loin de ressembler à du n'importe quoi. Bref, ce que Bordeaux avait montré à la pause était bien trop peu pour espérer chasser la mauvaise étoile qui venait de prendre le relais du soleil couchant derrière les Alpes. Et l'on pouvait s'estimer heureux que Metz n'en ait pas encore profité à Sochaux, ni Le Havre, mené alors à Bastia (1-0). Et que Gaétan Poussin ait maintenu les siens en vie d'une superbe parade-réflexe après un contre d'école et un service de Jean de la gauche pour Bosetti au premier poteau (30e). Les planètes s'alignaient encore pour les Girondins. Pas pour longtemps, hélas. Quand on ne sait pas forcer la chance, elle finit par vous tourner le dos.
Pour un point, Martin perdit son âne...
Offensivement, malgré une possession de balle outrageuse (72%), mais en trompe-l'oeil, le premier acte bordelais fut donc indigent. En seconde période, après une nouvelle bourde d'entrée et une balle de KO que Bosetti gâcha face à Poussin en manquant complètement son ballon piqué (48e), les Marine et Blanc, poussés par une importante cohorte de supporters qui restèrent longtemps prostrés et silencieux dans leur tribune après la rencontre, mirent un peu plus de coeur à l'ouvrage, certes, mais avec beaucoup trop de maladresses et de déchet technique, à l'image de Badji, qui serait sûrement le meilleur buteur de L2 si son adresse devant le but était à la hauteur de ses intentions et notamment de ses innombrables appels de balle, ou de Maja, pas plus en réussite que contre Laval. Annecy ne procédait plus qu'en contres partis de loin, mais n'était jamais poussé dans ses derniers retranchements, tant s'en faut. Et c'est bien là le plus anormal de la chose, pour la 16e défense de Ligue 2 avant cette 37e journée. Que les Girondins aient vu leur serie de clean-sheets s'interrompre après 5 matches ne causait pas forcément péril en la demeure, car il aurait été illusoire voire condescendant de penser qu'ils gagneraient en Savoie en pantoufles ou que leur invincibilité défensive (477 minutes depuis le but de Mikautadze le 15 avril à Metz) perdurerait jusqu'à la fin de l'exercice en cours. Le coup de tabac était annoncé, d'autant qu'ils étaient prévenus de la propension des locaux (demi-finalistes de la Coupe de France) à s'offrir le scalp des grands de ce monde. Non, le plus anormal, alors qu'il leur restait quasiment toute la rencontre pour rectifier le tir, c'est qu'il ait fallu patienter 75 minutes pour assister à leur premier tir cadré, première occasion digne de ce nom (tête d'Ignatenko, juste entré en jeu, sur un corner de Michelin). Alors, et alors seulement, Florian Escalès, bien tranquille jusque là, sortit les deux autres arrêts décisifs qu'il fallait quand Bordeaux cadra enfin ses tentatives, devant Nsimba et Maja. Mais comme à Nîmes où il n'avait été dangereux que dans le money-time, il était bien trop tard pour une équipe qui n'avait jamais donné l'impression, à l'inverse de son hôte remonté comme un coucou suisse (il est vrai qu'on n'était vraiment pas loin...) de disputer un vrai match de Coupe comme l'exigeait l'enjeu extrême de cette soirée. Même s'il y a quelque chose de frustrant - pour ne pas dire d'immoral - de perdre la main pour un seul but encaissé sur les...6 derniers matches (mais juste celui qu'il ne fallait pas...) et de glisser à la 3e place après avoir été 27 fois seconds en 37 journées, un championnat long de dix mois n'a cure de ces statistiques. "Pour un point, Martin perdit son âne", raconte le veux dicton latin et la mésaventure arrivée à un abbé du Moyen Age qui commit une simple erreur de...ponctuation punie par le Pape. Ce point, c'est celui qui manque aujourd'hui aux Girondins pour y croire un peu plus fort. Sans doute n'est-ce pas nécessairement à Annecy qu'ils l'ont perdu, mais bien plus tôt dans la saison, dans des rencontres qu'il leur était interdit de perdre (Niort, Nîmes, voire Guingamp à domicile), ou de ne pas gagner (Caen en Normandie, Pau et Amiens à Bordeaux, sans compter les deux barres à Quevilly-Rouen plus récemment...). Et même pas contre le leader havrais qui pourtant, les battit les deux fois mais reste dans leur collimateur. La réalité - cruelle - est qu'ils ne seront plus maîtres de leur destin dans une semaine pour recevoir Rodez (battu chez lui 3-2 par Pau qui s'est donné un bol d'air), qui jouera sa survie au Matmut. Et qu'il aurait été finalement très opportun que Maja inscrive ses deux penalties contre Laval, lesquels auraient permis aux Girondins d'être à la hauteur des Messins sur la différence de buts...Il leur faudra compter sur un faux pas de Metz chez lui contre Bastia, ou du Havre chez lui contre Dijon, qui jouera également sa tête en Ligue 2. Mais c'est bien le Ciel qui est tombé sur la leur en cette soirée savoyarde qui sera difficile à oublier... Un but, un seul, aura suffi à les plonger dans le désarroi. Impitoyable Ligue 2 qui, de mémoire, n'a jamais proposé un dénouement aussi sérré depuis sa création, avec 3 équipes pour deux places dans un mouchoir de poche, à l'amorce du dernier tour de circuit.
[Par Christophe Monzie au Parc des Sports à Annecy, crédit photos C.M]
Au micro de Christophe Monzie, écoutez une partie de la réaction de David GUION, coach du FCGB.
Réaction de Florian ESCALES, gardien de but du FC Annecy.
Réaction de Yoann BARBET, défenseur et capitaine du FC Girondins de Bordeaux.
Réaction de Laurent GUYOT, l'entraineur du FC Annecy.