
14 mai 2022
L'accident sportif tant redouté sera donc arrivé, sans surprise et imperturbablement, un an à peine après l'industriel. C'est un monument du football français qui est tombé au purgatoire, sinon en Enfer (l'avenir le dira vite) ce samedi dans une ambiance surréaliste et chaotique, mâtinée de colère froide dans un Matmut Atlantique vide aux trois quarts, avec un florilège de banderoles fustigeant tous les acteurs du club et même une interruption de la rencontre de plus de 5 minutes à la suite d'un déluge de...papier toilette sur le but lorientais en fin de première période. Sans doute parce que ce second clean-sheet de la saison, dérisoire au demeurant, n'a rien d'un...shit clean, d'où cette abondance de papier. Comme contre Nice ou à Angers, Bordeaux, qui ne sait plus ce que le mot "gagner" signifie, aurait pu encore jouer 3 heures, en vain. Lorient, à l'énergie, a logiquement empoché le point nécessaire à son maintien sans vraiment avoir tremblé, et aurait même pu rafler la mise sur une de ses rares occasions, par Ouattara sur un centre de Laurienté (16e), ou sur une mine de Moffi, claquée en corner par Poussin (59e). Le plus incroyable est qu'un seul but marqué par les Girondins les aurait encore maintenus en vie, vu l'insigne faiblesse de leurs poursuivants et une place de barragiste qui va peut-être se jouer à...31 points, du jamais vu dans les annales. Mais cette équipe, qui ne veut manifestement plus de la Ligue 1 - elle l'aura montré plus souvent qu'à son tour -, restera comme celle qui présente le pire total de points marqués et de victoires glanées (respectivement 28 et 5 en 37 journées) dans l'histoire du championnat de France depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il faut se frotter les yeux et essuyer ses larmes pour le croire. Et le papier lancé par les supporters n'est pas de trop, à cet effet.
L'espoir d'un maintien en Ligue 1 n'était que limité pour le club au scapulaire. L'AS Saint-Etienne devait ne pas s'imposer contre Reims et Bordeaux battre Lorient au Matmut Atlantique. Si la première condition a bien été satisfaite (1-2) avec des Verts qui n'en finissent pas de toucher le fond et de perdre presque autant de points qui leur tendent les bras que les Girondins, la seconde non, et Bordeaux s'est une énième fois fait hara-kiri, dans l'incrédulité d'un public qui ne savait même plus si les yeux qui lui piquaient étaient dus aux effets des gaz lacrimogènes lancés par les forces de l'ordre dans un avant-match particulièrement électrique autour du stade, ou à l'infâmie du spectacle proposé. Une énième désillusion qui n'en est plus tellement une, à la longue, et qui résume la saison calamiteuse des Girondins. Le FCGB est lanterne rouge de Ligue 1 et évoluera en Ligue 2 à 99,9 %. Même si mathématiquement la relégation n'est pas actée, avec 89 buts encaissés et une différence de 12 buts avec Metz, désormais remonté barragiste après sa victoire contre Angers (1-0), le miracle ne saurait avoir lieu à Brest le 21 mai. Mais les Girondins ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Ils n'auront même pas réussi à donner raison à leur coach, qui, pour ce qui sera peut-être son dernier match au Matmut sous la bannière bordelaise, espérait qu'ils montrent qu'ils sont de bons joueurs, des joueurs de Ligue 1. Sans avoir pour autant livré leur pire match à domicile de la saison, mais avec un déchet technique dans la finition rédhibitoire à ce niveau, à l'image d'un Hwang particulièrement maladroit (68e et 76e, pour les deux seules vraies occasions girondines de la rencontre), ils ont surtout démontré qu'au vu de leur niveau actuel, même la Ligue 2 leur serait difficile dans quelques mois...s'ils sont autorisés à y figurer.
Futsal le lundi, foot "sale" et discothèque le samedi
Il s'agit de la première descente sportive depuis la saison 1960-1961. La dernière saison à l’échelon inférieur remonte à la saison 1991-1992, les Marine & Blanc étaient alors relégués administrativement en raison d'un trou financier consécutif à la gestion du président de l'époque, Claude Bez. « Vous êtes la honte de nos 140 ans d'histoire ! » pouvait-on lire dans les rangs du Virage Sud ce samedi, entre autres amabilités. On ne peut pas être plus clair. Il fallait aussi voir cette fumée noire du dernier fumigène craqué de la soirée s'élever, presque sinistre, au-dessus de la pelouse sur les dernières secondes du match, ponctué par la banderole de circonstance "colère noire", pour mesurer toute la rancoeur accumulée par des supporters restés longtemps silencieux et indulgents (trop, sans doute) à l'endroit de l'équipe actuelle (on parle de l'ensemble du club, gouvernance incluse) et le divorce qui venait sans doute d'être consommé en cette ultime soirée délétère, où les limites de l'intolérable auront été franchies, sous les yeux incrédules puis embués de larmes (et pas à cause des gaz lacrymogènes) de beaucoup d'anciens joueurs venus assister à ce qu'ils se refusaient à considérer comme une mise en bière, tel Marius Trésor, présent dans les tribunes. Il a pourtant fallu se rendre à l'évidence, alors que Bordeaux, comme mercredi soir quand l'ASSE craqua à Nice après les citrons, était revenu à la vie après avoir été relégué de longues minutes. Quand Doumbia remit les Rémois devant en marquant à Geoffroy Guichard à l'heure de jeu, il restait alors plus de 35 minutes aux Girondins (en raison de l'arrêt de jeu du premier acte qui leur donnait donc un peu de "recul" par rapport à leurs adversaires) pour inscrire ce but que tout un stade espérait et revenir à un point des Verts et de Metz. Mais rien n'y a fait : privé de son fer de lance Alberth Elis qui constituait son arme offensive principale cette saison (depuis sa blessure, les Girondins n'ont gagné qu'un match, contre Metz), Bordeaux a eu toutes les peines du monde à s'approcher du but de Dreyer et, outre les deux occasions gâchées par Hwang citées plus haut, ne s'est montré dangereux que sur cette percée solitaire de Dilrosun au milieu de 4 lorientais, relayée par un bon centre de Kwateng repris de la tête au point de penalty par Mara...dans les gants du gardien des Merlus (41e), sur ce qui restera sûrement comme l'action girondine la plus aboutie de la rencontre, pour ne pas dire la seule. Sans oublier..."l'oubli" arbitral quasi-bihebdomadaire, quand M.Buquet, qui a pourtant eu sifflé des penalties contre les Girondins pour beaucoup moins que cela, resta de marbre malgré le VAR, après un contact indiscutable de Dreyer prenant la jambe d'appui de Fransergio (52e), tout comme l'avait été M.Hamel deux semaines plus tôt face à Nice, pour un tirage de maillot de Todibo sur Onana gros comme une maison. A contrario, on n'a toujours pas digéré le microscope ou la lunette de précision dont surent user leurs collègues pour sanctionner les Girondins à Reims ou à Lens pour des fautes que l'on cherche encore. Mais compte tenu de leur classement, il ne fallait guère espérer quelque coup de pouce que ce fût pour les Marine et Blanc. Nous n'étions ni à Paris, ni à Marseille, ni à Lyon pour qu'une telle aubaine prenne forme, et ils ne devaient compter que sur eux-mêmes.
?? Les @girondins sont en @Ligue2BKT ! #FCGBFCL #girondins
— Dorian Malvesin (@MalvesinDorian) May 14, 2022
Sauf s’il gagne 13-0 à Brest et que l’ASSE et Metz ne gagnent pas et ne marquent pas pic.twitter.com/NnUFviMklw
Etre et avoir été...
Cette saison de l'apocalypse s'achèvera à Brest, autre terrain maudit pour eux (mais la liste commence à être longue) le 21 mai pour l'ultime match des bordelais dans l'élite du football national. Bientôt la fin du calvaire, 13 ans après avoir été sacrés champions de France. Ô tempora, ô mores...Autres temps, autres moeurs, disaient les Latins. Aujourd'hui, à l'intention de ces repreneurs spécialistes de l'enfumage auxquels même les pouvoirs publics accordèrent leur confiance sans sourciller, et qui sont partis sans laisser d'adresse, mais beaucoup d'ardoises, on pourrait juste citer ces mots glacés de la chanson de Cabrel dans La Corrida : "Je pensais pas qu'on puisse autant s'amuser autour d'une tombe. Est-ce que ce monde est sérieux ?" . La réponse est non. Ce monde ne l'est plus guère dans le microcosme du Haillan, où les erreurs de management et de choix sportifs, le trading à outrance (qui reste quand même, qu'on le veuille ou non, la meilleure façon de vivre au dessus de ses moyens et de dépenser l'argent qu'on n'a pas), la méconnaissance de la culture de ce club et de ses usages - qu'on a cru bon de bouleverser en éjectant notamment des cadres d'équipes aux résultats et à l'esprit club pourtant irréprochables, tels Jérôme Dauba l'ex-entraîneur des Féminines (élu meilleur coach de D1 par ses pairs), Jean-Luc Dogon, André Penalva ou d'autres - se seront accumulés de façon exponentielle depuis 3 ou 4 ans, jusqu'à l'implosion actuelle, qui semblait réglée d'avance, comme du papier à musique. Et la tombe en question, ce sera désormais cet immense ouvrage de béton au pied du Pont d'Aquitaine, dont la construction continue de coûter un oeil aux contribuables bordelais, dont le loyer reste mirifique, et qui, 7 ans après être sorti de terre, ne possède même plus une équipe de football à abriter qui soit à son échelle ou son standing, celle d'une communauté urbaine - Bordeaux Métropole - de près d'un million d'habitants, dans une des régions les plus riches de France. On se demande si on rêve...ou si l'on vit tout simplement le plus grand gâchis sportif qu'un club de Ligue 1 nanti d'un budget de 110 millions d'euros ait commis sur le demi-siècle écoulé, les exemples de ce type pour une telle institution n'étant pas légion dans le foot français. Il sera peut-être prudent aussi, pour les recrues futures s'il y en a, qu'on examine avec autant d'attention leur CV et leurs qualités sportives que leur professionnalisme et leur capacité à s'impliquer pour une cause, afin d'éviter d'avoir à essuyer (sur ces réseaux sociaux que le club affectionne tant) des tweets acerbes dénonçant la présence répétée de certains dans des centres de futsal un lendemain de match, des hamburgers hautement diététiques livrés au quintal dans un hôtel lyonnais une veille de match, ou plus grave encore, des joueurs titulaires sortis en boîtes de nuit un soir de descente en Ligue 2...
[Christophe Monzie & Dorian Malvesin au Matmut Atlantique, photos L.Cousin]
Réaction de Christophe LE ROUX, directeur sportif du FC Lorient, au micro de Christophe Monzie.
Réaction de Sekou MARA, attaquant du FC Girondins de Bordeaux.
Réaction de Julien LAPORTE, défenseur central du FC Lorient.
Réaction de David GUION, l'entraîneur du FC Girondins de Bordeaux.
Réaction de Thomas MONCONDUIT, milieu de terrain du FC Lorient.
Réaction de Michaël CIANI, ancien joueur des Girondins de Bordeaux et du FC Lorient, au micro de Dorian Malvesin.